Créé le 7/07/22
Mise à jour le 8/07/22

ruamm Inter patronale Inter consulaire 2 bd

Suite à la proposition de Loi du pays déposée par L’Éveil Océanien au Congrès, concernant la réforme de la protection sociale pour le financement du RUAMM, l’Interconsulaire et l’interpatronale affirment leur « ferme opposition ».

La Présidente de la CMA-NC, Elizabeth RIVIERE, a porté la voix des 10 800 artisans calédoniens. Ces derniers représentent en effet la moitié des 22 000 travailleurs indépendants pouvant être potentiellement impactés par cette proposition. La CMA-NC a démontré, chiffres à l’appui, les effets délétères qu’a ce projet en l’état, à la fois pour les artisans actuellement en activités (déjà fragilisés), leur 6 600 salariés et alternants, ainsi que sur la dynamique entrepreneuriale future.

Au détour d'une saisine du CESE à laquelle les organisations patronales et les chambres consulaires ont dû répondre, dans un délai d’instruction intenable pour produire un avis éclairé, les représentants des acteurs économiques ont pris connaissance d'une proposition de texte de réforme de financement du RUAMM.

La proposition de texte

Celle-ci prévoit d'augmenter de pas moins de 10 milliards de francs les cotisations sociales pesant notamment sur les bas salaires, ceux des patentés et sur les retraites. Elle propose également le déplafonnement du RUAMM et l’abrogation de la totalité des abattements de cotisations sociales existants. Soit un total de 17 Milliards de prélèvements supplémentaires, alourdissant dangereusement les charges pesant sur le travail !

Cette proposition de texte se cumule avec les projets déjà en cours de réforme de la fiscalité (TGC, CCS, Fiscalité minière…) et n’a donné lieu à aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, en amont de son dépôt au Congrès par l’Eveil Océanien.

Elle vient percuter la démarche de concertation engagée par le gouvernement depuis quelques mois au sein du Comité de suivi de la Réforme fiscale (CSRF) auquel les partenaires sociaux participent activement, avec pour objectif de générer du rendement fiscal mais tout en s’assurant que les équilibres économiques soient respectés et l’avenir des entreprises préservé.

La CMA-NC prend position

La présidente de la CMA-NC a rappelé la situation économique actuellement dégradée et les difficultés des artisans, qu’ils soient travailleurs seuls ou employeurs :

  • 40% de l’ensemble des artisans ont quant à eux un revenu moyen inférieur au SMG (à 157 000 F) soit désormais 4 300 artisans. Cette proportion a augmenté de manière alarmante de 10 points en l’espace d’un an.
  • Le revenu moyen de l’artisan calédonien est de 243 000 F mensuel. Celui des Iles Loyauté est de 152 000 F, en recul de 19 % l’an dernier. Celui de la province Nord de 198 000 F, en recul de 21 %.

Le constat est sans appel : une partie des artisans s’est appauvrie comparé à 2021, et même à la période d’avant crise sanitaire…

Si la situation personnelle des artisans s’est à ce point dégradée, c’est que le contexte économique pour leurs petites entreprises était déjà très dur :

  • 61% des artisans ont ainsi déclaré avoir perdu de l’activité en 2021, soit 10 points de plus qu’en 2020
  • 36 % des artisans ont dégagé un Chiffre d’affaires inférieur à 2 Millions par an, soit 167 000 F de CA mensuel. Cette part a augmenté de 7 points en 2021.
  • 46% des entrepreneurs individuels ont dit être en difficulté avérée de trésorerie en décembre l’an dernier.

Depuis le début de cette année, la situation se tend encore…

A la crise sanitaire et au manque de visibilité institutionnelle s’ajoute désormais depuis quelques mois la hausse des prix des matières 1ères et l’augmentation des couts de frêts qui ont un nouvel impact négatif sur leur activité.

Ces faits, et ces chiffres, doivent alerter sur la dégradation sensible constatée dernièrement pour un grand nombre d’artisans, en particulier pour ceux déjà les plus fragiles par essence :

  • Les entreprises les plus petites, unipersonnelles & sans salariés, communément appelées « les patentés » de manière erronée.
  • Les entreprises les moins structurées (en EI)
  • Celles ayant un marché modeste (en brousse et dans les Iles notamment)

Cette mesure peut accentuer leur paupérisation alors que les artisans voient, tout comme les salariés, leur pouvoir d’achat baisser depuis quelques temps. Or, les projections faites par la CMA-NC pointent une réduction brutale de pouvoir d’achat pour les artisans calédoniens.

Elle va concerner des personnes qui exercent des activités procurant des services aux habitants et qui sont déjà en difficultés ou en ralentissement : maçonnerie, construction, peinture, réparation, nettoyage de locaux, mécanique, …
Au-delà de grever leur situation sociale, la mesure envisagée aurait également un impact indéniable sur la pérennité de nombreuses structures artisanales des 3 provinces. La survie de centaines d’entreprises serait certainement mise en jeu.

En effet, au sein des entreprises, la trésorerie n’est actuellement pas disponible pour absorber une telle augmentation de charges. Les dégradations de trésorerie touchaient l’an dernier 54 % des structures artisanales. C’est un cap jusqu’ici jamais atteint avec + 15 points comparé à 2020.

Et sans trésorerie, pas d’investissements… Lorsqu’elle existe, la trésorerie est réinvestie dans l’outil de production (véhicules, machines, docks …). L’an dernier, seulement ¼ des professionnels ont pu engager des fonds pour le maintien, ou l’amélioration de leur capacité de travail (contre 40 % en tendance de longue période).

Concernant la dynamique entrepreneuriale future, les impacts seraient destructeurs également selon la CMA-NC :

Cette hausse de cotisations s’appliquerait en effet sur les cotisations de toute structure nouvellement créée. Cela risque de freiner la dynamique même création d’entreprise avec de nombreux porteurs de projet démarrant dans l’immense majorité des cas avec très peu de moyens dans l’artisanat.

Or, la tendance est déjà à la baisse significative des immatriculations de nouvelles activités artisanales (recul de 31 % des créations d’entreprise enregistré entre 2021 et 2020 selon la CMA6NC … et -11% au global, tous secteurs confondus, selon l’ISEE)

Concernant la dynamique de l’emploi salarié, la proposition de texte présente également de grands risques :

Dans l’artisanat, ce sont près de 1 500 entreprises qui emploient 6 600 salariés et qui sont potentiellement concernées.

Au regard du contexte économique, cela n’aura que pour conséquences la réduction du nombre de salariés ou du volume d’heures et le développement du travail illégal.

Les entreprises ne sont pas en mesure de régler davantage de cotisations.

6 600 salariés d’entreprises artisanales encourent donc des risques, dans le cas ou leur employeur artisan ne seraient pas en mesure de faire face à l’augmentation de charges envisagée dans la proposition de Loi.

Les représentants des chefs d’entreprises alertent !

Pour l’interpatronale et l’interconsulaire, ce texte, déposé en marge du Comité de suivi de la réforme fiscale au gouvernement, vient fragiliser des acteurs qui se trouvent dans un contexte économique et social extrêmement détérioré, amplifié par l’inflation importée.

Les impacts d’un tel projet, s’il devait se concrétiser, sont donc néfastes et contre-productifs, à la fois socialement et économiquement, engendrant l’exact inverse de l’effet initialement recherché : augmentation du coût du travail et donc baisse de l’attractivité du territoire, accélération des départs, réduction de l’emploi et du taux d’activité, risque d’augmentation de la part non déclarée de l’activité, pouvoir d’achat en baisse, etc.
Il représente un risque avéré de mettre à mal le système économique, déjà fragilisé, qui finance le système de santé calédonien !

Aujourd’hui, les organisations représentatives des entreprises dénoncent une doctrine d’acharnement fiscal de certains élus, au détriment de toute mesure d’économies.

Dans ces conditions, elles déclarent :

  • L’impossibilité de continuer de travailler sans avoir une vision globale. Il est nécessaire de se donner du temps pour mailler toutes les réformes en cours de discussion et de mise en œuvre.
  • Demander aux groupes politiques du congrès de reprendre un fonctionnement normal pour faire évoluer la situation économique et sociale du territoire ; c’est-à-dire en concertation avec les partenaires sociaux ; ainsi que de s’atteler à mesurer sérieusement l’impact de toutes réformes envisagées.
  • La suspension par l’Inter-patronale de sa participation aux travaux du CSRF, dans l’attente, soit du retrait de cette proposition de texte, soit de son rejet lors de la mise par les différents groupes siégeant au Congrès.